REMONTER LE COURS DU TEMPS
Suite à l'enquête menée sur la base de documents et de photos d'archives par l'anthropologue
Diane Laville pour resituer l'emplacement des sept squelettes néandertaliens découverts
ici au siècle dernier, l'équipe scientifique pluridisciplinaire menée par Alain
Turq, Harold Dibble, Dennis Sandgathe, Paul Goldberg et Shannon Mac Pherron, avait
compris qu'une partie du gisement en liaison avec deux des squelettes était probablement
restée intacte. Le sondage préliminaire mené en juin 2010 allait confirmer cette
hypothèse. Un an avant, des dosimètres avaient été placés sous terre par Norbert
Mercier et Guillaume Guérin afin d'enregistrer la radioactivité naturelle ambiante.
La première mission pour 2011 fut donc de les collecter. Grâce à l'estimation de
la dose reçue, l'âge des fossiles humains pourra prochainement être établie. À cet
effet, à la nuit tombée des grains de quartz ont été prélevés dans des blocs de
sédiments entiers. Le principe : ces grains de quartz ont accumulé depuis leur enfouissement
– qui correspond au moment où les corps ont eux aussi été ensevelis – une quantité
de rayons gamma qui, divisée par la dose annuelle enregistrée par les dosimètres,
donnera le nombre de milliers d'années depuis lesquels ils sont sous terre. L'énergie
que ces grains de quartz ont accumulé se libère au moment où on les expose à la
lumière. L'opération se pratique donc dans l'obscurité, en laboratoire, là où les
lumières envoyée et libérée, se référant à différentes ondes afin de ne pas les
confondre, peuvent être mesurées. D'autres méthodes de datation seront utilisées
pour confronter ces résultats. Au final on saura prochainement assez précisément
à quelle période de notre histoire l'homme, la femme et les cinq enfants de Néandertal,
retrouvés en position sépulcrale, vécurent à La Ferrassie.
RETROUVER LES PAYSAGES D'AVANT
Dans le même temps, les préhistoriens s'efforcent de comprendre la façon dont les
sédiments se sont déposés pour recouvrir une à une les couches archéologiques qui
dans ce gisement représentent de haut en bas, comme les chercheurs l'espéraient,
les grandes cultures préhistoriques dénommées en hommage aux premiers lieux où elles
ont été rencontrées : l'Aurignacien, le Châtelperronien, le Moustérien de type La
Ferrassie et le Moustérien de tradition Acheuléenne. Ces appellations, leur âge
respectif réel et leur contenu culturel sont naturellement au cœur de cette campagne
de fouilles et les premières collections de silex taillés et d'os de faune prélevés
soulèvent des questions de nature à faire progresser notre vision des choses au
cours des prochaines années. L'étude des lames minces confectionnées par le géologue
Paul Goldberg en immergeant dans de la résine des blocs compacts de sédiments déposés
avec une infinie délicatesse pour ne rien bousculer raconteront dans le même temps
la nature des sols et la façon dont ils se sont constitués en fonction de la vie
de la Terre et de la vie des hommes. Le tout permettra à terme de reconstituer certains
aspects de la vie ici il y a fort longtemps. Faute de datations, par analogies,
on assimilait jusqu'ici la petite population de La Ferrassie aux Néandertaliens
classiques (50 000 ans). Nous saurons à l'horizon 2012 si les groupes qui ont laissé
à La Ferrassie certains de leurs défunts n'y ont pas vécu bien avant et dans un
environnement bien différent de celui qu'on imaginait. À suivre.
Sophie Cattoire
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