NOS ANCÊTRES LES BUGUOIS
DE LA GAULE À L’AN MIL
Petit retour sur une grande zone d’influence dont Le Bugue — au centre du Périgord noir — demeure le cœur battant.
par Sophie Cattoire
C'était le temps des Abbayes et de leurs Moulins – Un exemple avec la centaine franque d'Albuca qui vit naître en l’an Mil le couvent de Dame Adélaïde, à la croisée du ruisseau de Ladouch et de la rivière Vézère.
Résumé :
Il y eut au milieu du Moyen âge une transition énergétique majeure, qui transforma la société en profondeur. Nous vous proposons d’en prendre la mesure grâce à l'exemple de l'essor d'un groupe de villages, alors paroisses médiévales du Périgord. Elles avaient pour chef lieu Albuca, et furent toutes embarquées à partir de l'an Mil dans l'émergence fulgurante des abbayes et de leurs moulins.
Il y eut en effet une rencontre à point nommé, un télescopage prodigieux, à l'origine d'une révolution progressiste des techniques et des mœurs. Après la première dynastie des Rois francs, celle des Mérovingiens, barbares germaniques païens devenus chrétiens pour survivre, il fallut attendre la Renaissance carolingienne pour que l’Église catholique acquière véritablement une place centrale dans la société médiévale.
Cet élan de piété s'accompagna de nombreux dons de biens immobiliers, comprenant des fermes et leurs moulins, et émanant des membres de la chevalerie fortunée. Ils espéraient assurer le salut de leurs âmes grâce à l'achat d'“indulgences” se traduisant, en l'occurrence, sous forme de donations d'une partie de leur patrimoine. Et c'est précisément à ce moment là que la maîtrise de la force hydraulique, par l’entremise des moulins, va permettre d'en finir avec l'esclavage, hérité du droit romain et encore pratiqué sans vergogne par les Mérovingiens.
Cette énergie renouvelable va remplacer la force des esclaves et la traction animale. La société médiévale va remplacer le travail manuel forcé des hommes et des bêtes par le roulement nuit et jour des roues des moulins.
Cette mutation fut vécue pleinement par l'archiprêtré d'Albuca, le plus ancien de la Dordogne, où le couvent de Bénédictines de Dame Adélaïde fut établi en l'an Mil. Albuca, son nom gaulois, est ensuite devenu Albuga, son nom occitan et in fine Le Bugue, son nom français que nous lui connaissons aujourd'hui. Au Bugue de nos jours, on peut encore trouver certaines traces de ce florissant passé.
Au bord du cours limpide du Ladouch qui traverse le village avant de se jeter dans la rivière Vézère, Le Moulin de La Barde a su préserver son architecture castrale moyenâgeuse. Il contribua à chacune des missions confiées aux moulins depuis le Moyen Âge et jusqu'à la Révolution industrielle. Le pain quotidien, l'huile pour éclairer les foyers, le cuir, les draps, les lainages, les cordages, puis finalement l'énergie électrique pour alimenter tout le village du Bugue grâce à ses turbines, il aura tour à tour tout donné et reste debout pour en témoigner.
Retour sur cette révolution médiévale oubliée avec l’exemple d’Albuca, centaine franque qui deviendra en occitan Albuga, puis Le Bugue, héritier de ce passé qui en détient encore le charme et continue de jouir d’une puissante attractivité.
IL ÉTAIT UNE FOIS ALBUCA...
Le choix des paysages où s’installer au sortir de la Préhistoire nomade, il y a 10 000 ans, se caractérise par une pensée mûre et sage. Les eaux vives du ruisseau de Ladouch — "La Source" en occitan — éclaboussent les coteaux d’une vallée féconde avant se jeter dans la rivière Vézère. Elle inonde à son tour au gré de ses méandres sinueux de vastes plaines ondoyantes.