Néandertal, Cro-Magnon et… Denisova
Le rejet initial du crâne de l'homme de Néandertal, anatomiquement
différent du nôtre, est l'un des éléments fondateurs de la toute jeune science de
la Préhistoire. Il fut découvert dans la Vallée de Néander en Allemagne en 1856
et interprété alors comme un être difforme, pathologique, tandis que l'homme de
Cro‑Magnon découvert en 1868 au Eyzies-de-Tayac en France, si proche de nous physiquement,
si ressemblant, obtint rapidement le statut d'ancêtre direct. À partir de ces deux
personnages clefs, la discipline scientifique s'est structurée et de ces deux réactions
antagonistes, rejet et adhésion, concernant Néandertal puis Cro‑Magnon, il reste
des traces. La séparation entre le Paléolithique ancien et moyen (de 3 millions
d'années à 40 000 ans BP) et le Paléolithique supérieur (de 40 000
ans à 12 000 ans BP) est l'une d'entre elles. La rupture entre ces deux périodes
de la Préhistoire a en effet été définie par la disparition de l'homme de Néandertal
et son remplacement par l'homme de Cro‑Magnon, avec en toile de fond l'idée d'une
humanité archaïque qui n'aurait pas fait long feu face à la suprématie des hommes
dit « modernes ». Avec le temps, cette frontière est malmenée par
des résultats de fouilles inattendus. Et ce sont précisément ces éléments perturbateurs,
de nature à rebattre les cartes de notre lointain passé, que l'exposition « Le
Troisième Homme » nous propose d'évaluer, grâce à notre propre esprit critique.
Jean-Jacques Cleyet-Merle, Directeur du Musée national de Préhistoire situé aux
Eyzies et Mikaël V. Schunkov, Directeur de l'Institut d'archéologie et d’ethnographie
de la branche sibérienne de l'Académie des sciences de Russie, ayant ensemble fait
le choix de nous convier au cœur de la recherche préhistorique de trois territoires,
la vallée du Rhône, le Sud-Ouest de la France et la Sibérie orientale, qui interrogent
chacun à leur façon nos acquis.
Cette exposition temporaire organisée par la Réunion
des Musées Nationaux-Grand Palais et le Musée national de Préhistoire, est le fruit
de la collaboration scientifique franco-russe initiée par le laboratoire ARTEMIR.
Créé en 2015, il est co-dirigé par Hugues Plisson, chargé de recherche du laboratoire
PACEA de l'Université de Bordeaux 1 et par Lyudmila Lbova, Professeur de
la chaire d’Archéologie et d’Ethnographie de l’Université d’État de Novossibirsk.
Cette collaboration permet de voir pour la toute première fois en France bon nombre
de pièces archéologiques majeures issues de gisements de la région de l'Altaï en
Russie, et notamment les restes originaux de l'Homme de Denisova.
Ce « troisième Homme » surgi de Sibérie
en 2008 est inclassable. Il vécut « à la mode » du Paléolithique supérieur,
mais au temps du Paléolithique moyen. En cela, il fait écho à d'autres découvertes
majeures faites précédemment en France : Arcy-sur-Cure dans l'Yonne, Saint-Césaire
en Charente-Maritime et la grotte Mandrin dans la Drôme. Voici en quoi ces différents
gisements et leurs raretés sont proprement révolutionnaires.
La grotte Mandrin, des arcs et des flèches il y
a 50 000 ans ?
Industrie lithique du Néronien - Grotte Mandrin - Vallée du Rhône
Exposition Le troisième Homme, Musée national de Préhistoire
photo Vincent Lesbros - Ferrassie TV
Un épisode majeur de nature à ouvrir de nouvelles perspectives
quant à la transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur,
se déroule dans la Grotte Mandrin. Située sur la rive gauche du Rhône, sur la commune
de Malataverne, cet abri sous voûte est soigneusement fouillé depuis 1990 par une
équipe pluridisciplinaire sous la responsabilité de Ludovic Slimak, chercheur au
CNRS rattaché au Laboratoire TRACES de l'Université de Toulouse Jean Jaurès. En
27 ans de fouilles programmées, les chercheurs ont mis au jour une superposition
de huit phases d'installations humaines, des occupations de courtes durées et probablement
saisonnières, qui s'échelonnent sur une période de 8 000 ans, allant de 50 000
à 42 000 ans BP. Or, entre deux niveaux tardifs de tradition moustérienne,
attribués aux derniers Néandertaliens, les chercheurs ont découvert dans la couche
E de la Grotte Mandrin, datée de 50 000 ans, des vestiges dont les technologies
nettement plus évoluées évoquent celles plus tardives du Paléolithique supérieur.
À savoir, quantité de pointes miniatures – entre 2 et 5 mm d'épaisseur pour
une largeur centrée de 16 à 25 mm – bien plus petites que les pointes traditionnelles
du Paléolithique moyen (dites Levallois) classiquement utilisées comme couteaux
pour dépecer et découper le gibier préhistorique. Ces pointes miniatures seraient
en fait des projectiles dont l'analyse précise semble démontrer qu'elles auraient
armé des pointes de flèches tirées à l'arc, une technologie considérée comme inconnue
à cette époque. Comme le précise Ludovic Slimak : « Ces résultats
si importants pour comprendre l'organisation et les connaissances de ces lointaines
sociétés ont été bâtis avec une grande rigueur par une analyse fonctionnelle systématique
de milliers de ces objets. Ces micro pointes, qui portent bel et bien des impacts
révélant un usage en tant que projectiles, seraient du fait de leurs particularités
balistiques strictement cantonnées à la sphère de l'archerie ».
Selon la thèse de Laure Metz, post-doctorante au Département
d'anthropologie de l'Université de Harvard à Cambridge aux États-Unis : « Les
traces retrouvées sur ces micros pointes ressemblent de façon remarquable à celles
retrouvées sur le gisement gravettien de La Vigne Brun, un site de plein air situé
dans la vallée de la Loire. Ces pointes, projetées mécaniquement à l'arc ou au propulseur,
ont été fabriquées 25 000 ans plus tard ». Cette strate de ce fait
anachronique, enchâssée entre deux passages plus classiques d'hommes et femmes de
Néandertal, est à ce point distincte de ce qui est connu pour cette époque en Europe,
que Ludovic Slimak lui attribue une identité particulière, celle des sociétés du
Néronien.
Beaucoup reste à appendre sur ces Néroniens, ayant côtoyé
sur leurs territoires mêmes des groupes néandertaliens de tradition moustérienne.
À quoi ressemblaient-ils ? Plutôt néandertaliens, plutôt modernes ?
L'enquête se poursuit. Tout comme, à vrai dire, beaucoup reste à découvrir sur les
Aurignaciens que l'on présente comme les premiers hommes modernes et les initiateurs
du Paléolithique supérieur, mais dont on possède trop peu de restes osseux pour
en définir clairement les aspects biologiques ou génétiques. En gros, on a estimé
l'Aurignacien « moderne » par rapport à ce qu'il produit et non par
rapport à sa réalité anthropologique et on cherche toujours, en ce qui le concerne,
un squelette relativement complet.
Saint-Césaire : une Pierrette à l'avant-garde ?
Vue latérale droite du bloc crâno-facial de
Saint-Césaire
Les Eyzies-de-Tayac, musée national de préhistoire
© Document Bernard Vandermeersch
En 1979, la découverte d'un squelette néandertalien bien
conservé à Saint-Césaire près de Saintes en Charente-Maritime, fut une révolution.
En effet, la fameuse Pierrette extraite de la Roche-à-Pierrot reposait dans une
couche attribuée normalement aux hommes et femmes du Châtelperronien. Les préhistoriens
situent il y a environ 40 000 ans le passage, en Europe de l'Ouest, du Paléolithique
moyen dominé par les Néandertaliens au Paléolithique supérieur où apparaissent les
hommes modernes, qui seuls survivront. Le Châtelperronien qui se situe précisément
au moment de cette transition est traditionnellement associé à ces nouveaux arrivants,
avec comme signes distinctifs, entre autres, une technique de taille de lames et
lamelles qui remplacent la « simple » production d'éclats et l'apparition
des premières parures. Du coup, la Pierrette gisant au milieu de belles lames dites
« modernes » fut un choc. Les avait-elle taillées elle-même et fallait-il
dorénavant attribuer ce talent aux hommes et femmes de Néandertal ? Les sédiments
et les vestiges étaient-il bien restés en place ? Pas si sûr, les nouvelles
études taphonomiques évoquent des mélanges possibles, la question n'est donc pas
encore tranchée et l'enquête, là aussi, se poursuit.
Arcy-sur-Cure : la fronde des innovantes
parures !
Griffe de Hibou Grand Duc striée
Arcy-sur-Cure - Grotte du Renne 3,2 x 1,7 x 0,7 cm
© MNP - Dist. RMN - Cliché Ph. Jugie
Précédemment, les fouilles menées par André Leroi-Gourhan
de 1947 à 1963 dans la Grotte du Renne, située à Arcy-sur-Cure au sud d'Auxerre
en Bourgogne-Franche-Comté, avaient déjà mis en évidence, cette fois de façon irréfutable,
la présence de restes humains néandertaliens associés à des artefacts réservés en
principe aux seuls hommes modernes. À savoir, des outils taillés dans des fragments
osseux, comportant parfois des décors incisés ainsi que, plus surprenant encore,
des éléments de parure : canine de renard perforée, anneau d'ivoire, griffe de hibou striée et pendeloque
en os de renne. De ces observations avaient émergé les grandes questions :
acculturation, gradualisme ou transculturation ?
Acculturation : les anciens copient les nouveaux,
en l’occurrence les Néandertaliens s'inspirent des nouveaux arrivants, les hommes
modernes. Gradualisme : pas d'influence extérieure, le potentiel est là,
au sein du groupe néandertalien, qui l'exprime sur place progressivement. Transculturation :
les nouveaux arrivants inspirent les anciens occupants et réciproquement, sur la
base de capacités équivalentes entre tous. Ce débat reste très animé aujourd'hui
encore au sein de la communauté scientifique.
Et c'est alors que survient l'Altaï qui à sa façon, à
partir de 2008, va faire bouger les montagnes puisque non contente de produire des
outils en os et des parures encore plus éblouissantes, la Vallée de l'Anouï, au
sud de la Sibérie, va nous révéler l’existence d'un troisième Homme.
Le troisième Homme de la grotte de Denisova
En 2008, dans une cavité située dans le sud de la Sibérie,
l'équipe du Professeur Mikhail Shunkov, Directeur de l'Institut d'archéologie et
d’ethnographie de Novossibirsk, découvre un minuscule vestige humain :
un fragment de la dernière phalange du petit doigt d'un enfant. Une dent humaine,
une troisième molaire supérieure, sera découverte non loin. Sur la base de ces deux
éléments qui lui seront confiés en 2009, le laboratoire de génétique évolutive de
Svante Pääbo à l'Institut Max-Planck de Leipzig en Allemagne, va parvenir à produire
le génome correspondant. Résultat, cette dent et cette phalange n'appartiennent
ni à ce que l'on connaît du génome de Néandertal, ni à ce que l'on sait de celui
de l'homme moderne de cette époque.
Phalange Denisova 3
© Institut d'archéologie et d'ethnographie de la branche sibérienne de l'Académie
de Sciences de Russie / photo Sergueï I. Zelenkï
L'homme de Denisova possède un génome
différent.
En remontant toujours grâce à la paléoanthropogénétique dans son histoire, les chercheurs
arrivent à cette première conclusion : à partir d'un tronc commun, il y aurait
eu une séparation entre deux lignées humaines il y a environ 750 000 ans,
qui aurait évolué d'un côté vers les hommes modernes et de l'autre vers les hommes
de Néandertal et de Denisova. Ces trois humanités se seraient plus tard retrouvées
et se seraient croisées dans cette partie de la Sibérie, il y a environ 50 000
ans. Ce brassage génétique aurait eu la conséquence suivante : 2 %
du génome de Néandertal se retrouvent dans l'ADN des populations actuelles d'Eurasie
tandis que 4 % du génome de Denisova se retrouvent plus à l'Est, notamment
en Mélanésie. À partir de ce moment-là, les hommes de Néandertal et de Denisova
ont peu à peu disparu et seuls les hommes modernes, nos ancêtres directs, ont continué
à évoluer.
Molaire supérieure Denisova 4
© photo Bence Violla, Université de Toronto
En conclusion, les Dénisoviens ont laissé une production
d'outils de pierre et d'os fort originale et surtout, un ensemble de parures d'une grande
variété. Dernier élément essentiel, du point de vue des chercheurs russes, les Dénisoviens
seraient issus du « substrat local ». En clair, nous serions face
à des enfants du pays, dont les plus anciens outils retrouvés à ce jour seraient
datés de 280 000 ans. Et là, on touche au plus près la vraie question qui
taraude le monde de la Préhistoire depuis 150 ans : d'où viennent les gens ?
D'où viennent les gens ?
Pour bien comprendre ce qui se joue par rapport à ces
nouvelles découvertes, leurs réelles conséquences et ce en quoi elles fascinent
littéralement le monde scientifique, il est nécessaire de resituer le contexte historique,
celui de l'histoire des sciences, dans lequel elles s'inscrivent. À la question
‘d'où viennent les gens ?’ il y a 150 ans en Occident, la réponse était simple :
du Ciel ! Les savants, tel Isaac Newton et les exégètes, tel l'abbé Ussher,
avaient calculé le nombre de générations qui nous séparaient d'Adam et Ève et étaient
arrivés à ce résultat précis :
« Dieu créa le Monde le 23 octobre de l'an 4004
avant Jésus-Christ, et l'Homme 5 jours plus tard, le 28 octobre, si bien que, à
6 jours près, l'on pouvait confondre ces deux créations et croire que l'Homme éait
apparu sensiblement en même temps que le Monde. » (extrait "Le Cercle
d'Abbeville, Paléontologie et Préhistoire dans la France romantique", Léon
Aufrère, édition Brepols, recueil de textes inédits rassemblés et présentés par
sa fille, Marie-Françoise Aufrère).
Ce calcul, établi à la fin du XVIIᵉ siècle, a conservé
dans cette partie du monde toute sa légitimité jusqu'au milieu du XIXᵉ siècle. Les
peuples les plus anciens avaient été créés par Dieu il y a 6 000 ans, on
les appelait les Celtes et on leur attribuait les menhirs, les dolmens aussi bien
que les épées gauloises et les haches polies. Après la Révolution française de 1789,
il fut possible de commencer à avancer d'autres hypothèses, sans risquer le bûcher.
En 1766, le jeune Chevalier de la Barre fut torturé et brûlé sur la place publique
d'Abbeville pour n'avoir pas ôté son chapeau lors du passage d'une procession. Ce fut en France le dernier acte de l'Inquisition de l'Église catholique. Et
c'est d'Abbeville, notamment, que vint la contestation. Si toute fécondation scientifique
est collective, l'un des plus audacieux pour faire admettre l'ancienneté de l'homme
fut le Directeur des Douanes d'Abbeville nommé Jacques Boucher de Perthes. Profondément
croyant, il voulait retrouver le christianisme primitif, message d'amour et de tolérance,
pour balayer toute forme d'Inquisition liée au nom de Dieu.
La naissance de la préhistoire
Ce tournant majeur de l'histoire des sciences, fort bien
relaté dans l'ouvrage de Jean-Jacques Hublin et Claudine Cohen : "Boucher
de Perthes, les origines romantiques de la Préhistoire", nous l'avons abordé grâce
aux archives authentiques de l'époque, sur les lieux mêmes de ce basculement fondamental
et avec le concours des chercheurs en Préhistoire les plus éminents, dans
le film documentaire "La Naissance de la Préhistoire". Un film réalisé,
et il faut le souligner, avec le soutien primordial de la philosophe, historienne
des sciences et géologue Marie‑Françoise Aufrère, et en partenariat avec le Musée
Boucher de Perthes à Abbeville, le Musée de Picardie à Amiens, le Musée Napoléon
à Cendrieux, le Musée-forum de l'Aurignacien à Aurignac, le Musée d'Art et d'Archéologie
du Périgord à Périgueux, l'Institut de Paléoanthropologie Humaine de Paris et la
Société Préhistorique Française. Il relate les deux épisodes les plus marquants
de cette prodigieuse épopée. Grâce à ses découvertes faites dans la Vallée de la
Somme, Jacques Boucher de Perthes va parvenir à faire reconnaître, au milieu du
XIXᵉ siècle, l'ancienneté de l'homme sur Terre. Dans la foulée, Henry Christy et
Édouard Lartet démontreront que toutes les intuitions de ce pionnier étaient fondées,
grâce aux découvertes édifiantes qu'ils feront dans la vallée de la Vézère.
Des dieux qui créent des hommes ou des hommes qui
créent leurs dieux ?
Aujourd'hui, on a oublié ce chapitre crucial de l'histoire
des hommes et chacun pense qu'on a toujours eu conscience de notre Préhistoire.
Pourtant, cette idéologie de l'homme tombé du Ciel pour tout dominer, qui traduit
l’hégémonie depuis quelques siècles dans le monde occidental des religions monothéistes,
est toujours présente et même très active. Betsy DeVos, Ministre de l'Éducation
du gouvernement de Donald Trump, enseigne aux enfants, dans les écoles chrétiennes
des États-Unis, que l'homme a été créé par Dieu il y a 10 000 ans. Et si
cela, nous le voyons, ce qui nous habite intimement nous échappe bien souvent. Nous
sommes collectivement et inconsciemment tributaires de cadres idéologiques qui nous
confinent dans une forme d'auto-censure. Quand on se penche sur le long fleuve de
nos origines, on aimerait y voir notre propre reflet. Nous recherchons nos semblables,
puisque Dieu a créé l'homme à son image. Et même si les avancées époustouflantes
de la science de la Préhistoire nous donnent des éléments tangibles pour réveiller
notre esprit critique, même s'il est en principe permis aujourd'hui de prendre le
contre-pied des théories créationnistes pour affirmer que ce sont les hommes qui
créent leurs dieux et non l'inverse, la différence, la non ressemblance, reste un
vrai problème.
Espèce, sous-espèce, lignée, cousins...
En 1856, Néandertal a été rangé parmi les ratés de la
« Création ». Il eut beaucoup de mal à se frayer un passage pour réintégrer
l'humanité. La paléogénomique l'a beaucoup aidé. Identifiant des gènes de Néandertal
chez les hommes et femmes d'aujourd'hui, en Europe et en Asie, cette discipline
a pu apporter la preuve du métissage. Auparavant, Néandertal était cantonné dans
une espèce à part. Or, qui dit espèces différentes induit qu'elles ne peuvent se
reproduire entre elles. C'était du moins la définition qui prévalait encore récemment.
Aujourd'hui, la notion d'espèce est en pleine évolution. Espèce, sous-espèce, lignée,
cousins, l'ensemble de la terminologie est à redéfinir. Les ruptures historiques
issues du refus non-dit de l'altérité commencent à laisser place à davantage de
continuité. Et la grande frontière entre le Paléolithique moyen, espace temporel
de Néandertal, et le Paléolithique supérieur, marqué par l'émergence des « géniaux »
Homo sapiens, s'estompe peu à peu ou tout du moins se déplace comme à Denisova où
les Dénisoviens – une autre lignée, pas une autre espèce – auraient eu le « génie »
des hommes anatomiquement modernes, bien avant de les connaître.
Le Musée national de Préhistoire est parvenu à éclairer de
façon inédite pour le grand public les dernières découvertes liées à cette transition
et a su inviter chacun d'entre nous au cœur des problématiques les plus actuelles qui
animent les chercheurs. « C'est tout l’intérêt d'une science vivante et ouverte »,
comme le souligne Jean-Jacques Cleyet-Merle, Directeur du Musée national de Préhistoire.
Sophie Cattoire
Cette exposition reflète la collaboration franco-russe développée grâce
au Laboratoire Artemir dont voici la présentation :
L’année 2015 a vu la création
par l'Institut INEE du CNRS
du laboratoire international
associé (LIA) franco-russe « Multidisciplinary Research on Prehistoric Art
in Eurasia
– ARTEMIR » sur l’étude de l’art préhistorique en Sibérie au travers de la
combinaison
de nouvelles approches. Codirigé par Hugues Plisson, chargé de recherche du laboratoire
PACEA – De la Préhistoire à l’Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie,
et Lyudmila Lbova Professeur de la chaire d’Archéologie et d’Ethnographie de l’Université
d’État de Novossibirsk, ce LIA a été lancé en janvier 2015 pour une période de 4
ans. Il réunit le CNRS, l’Université de Bordeaux, l’Université de Savoie Mont-Blanc,
l’Université d’État de Novossibirsk,
l’Institut d’Archéologie et d’Ethnographie, l’Institut d’Automatisation et d’Électrométrie,
tous deux de la branche sibérienne de l’Académie des sciences de Russie, ainsi que
la Fondation russe pour la recherche fondamentale (RFBR). L’inauguration du laboratoire
a eu lieu dans le cadre du colloque « 3D en archéologie : plus qu’une
dimension
supplémentaire » à Akademgorodok (Cité Scientifique de Novossibirsk), du
9 au 14
novembre 2015. Cet événement relie deux grands pôles de la recherche en préhistoire
qui marquèrent les études paléolithiques du XXᵉ siècle et qui demeurent aujourd’hui
des acteurs de premier plan dans la réactualisation des cadres de référence.
Remarquable dans son approche interdisciplinaire, le
LIA ARTEMIR bénéficiera de l’accès à des collections et des sites russes exceptionnels
peu ou pas accessibles jusqu’alors. Le LIA est labellisé par l’IdEx de Bordeaux,
et bénéficiera d’importants crédits russes – dits de « Mégascience »
/ « Laboratoire Miroir » comparables aux investissements d’avenir
français.
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