Robert DELFOUR
(« Le Populaire du
Centre » – 1964)
Nombreux sont ceux – et c’est notre cas – qui doivent à Julien SARABEN l’amour de l’Art et qui lui
doivent aussi de savoir, bien modestement parfois, tenir un crayon ou un
pinceau. Aussi est-ce avec reconnaissance et émotion que nous ferons ce retour
dans le passé, afin de mieux connaître l’homme et l’artiste.
Julien SARABEN naquit au Havre le 12 juillet 1892. Ce jour-là des fées étaient présentes autour du
berceau. Elles en firent un être bon, talentueux, qui ne devait cesser, tout au
long de son existence, de se dévouer, de faire le bien, au détriment parfois
d’une carrière qui aurait pu devenir plus brillante encore que ce qu’elle fut.
Le jeune garçon vint au monde dans une famille d’artistes. Son père était peintre décorateur au Havre
(détail amusant : il eut Georges BRAQUE comme apprenti). Son oncle, Louis
SARABEN, dont le nom figure au dictionnaire BENEZIT, fut élève de
LHUILLIER à l’Ecole de Beaux-Arts du Havre, tout comme O. FRIESZ, DUFY
et BRAQUE. Elève des Beaux-Arts de Paris, Louis SARABEN se révéla comme
un excellent artiste et, à son décès, une grande vente de ses œuvres fut
organisée au Havre les 6 et 7 mai 1908. Plus de 200 tableaux se trouvèrent
ainsi dispersés, la plupart allant chez des collectionneurs de la région. Avec
de tels antécédents Julien SARABEN ne pouvait que se distinguer dans la voie
où, depuis son jeune âge, il désirait s’engager. Après des études secondaires
au Havre, où il eut comme camarade Arthur HONNEGER, il fut, au titre d’élève de l’Ecole
des Beaux-Arts, boursier de la ville et se rendit à Paris où il suivit
les cours de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts dans l’atelier de Raphaël
COLIN. Il y resta de 1910 à1913. Puis ce furent le régiment et le départ pour
la Grande Guerre. Il la fit dans les rangs du 5° Génie (avec Léon DELARBRE,
futur Conservateur du Musée de Belfort).
En 1913 il avait obtenu son premier degré de professorat de dessin. En 1919 il essaya de se fixer dans
la capitale et de faire carrière dans le métier passionnant de la décoration
théâtrale, métier appris de son père, Joseph SARABEN, peintre décorateur au Théâtre
du Havre. Il travailla notamment à des décors pour l’Opéra, l’Opéra
Comique, les Folies Bergères, le Vaudeville Lyrique, tout cela dans l’Atelier
DESHAYES.
2.
Il y avait des mortes saisons dans ce métier et il décida d’utiliser son diplôme de professeur. C’est
ainsi qu’en 1920 il était nommé au Collège de Soissons. Il y resta
jusqu’en 1927. Entre temps, en 1925, il avait son deuxième degré, en fin 1927.
Nommé à Périgueux, il devenait professeur au Lycée des Garçons.
Ses grandes qualités humaines et professionnelles lui valurent d’être choisi en 1931 comme directeur
de l’Ecole Municipale de Dessin. En 1937 il passait professeur à l’Ecole
Normale et, la même année, il accédait à la fonction de conservateur du Musée
du Périgord. Il quitta le Musée, l’Ecole Normale et le Lycée
en 1957.
Telle est, en résumé, la carrière de Julien SARABEN. Mais entrons un peu plus dans le détail.
Son séjour à Paris, alors qu’il était aux Beaux-Arts, lui causa quelques soucis. Il était bien
boursier de la ville du Havre, mais l’argent attribué ne lui permettait pas de
vivre. Pour se faire quelque argent, et ceci chaque année, pendant plusieurs
mois, il joua du violon à l’orchestre du Théâtre Sarah Bernhardt, et, plus
tard, alors qu’il se trouvait à Périgueux, il eut à maintes reprises l’occasion
de montrer ses talents indéniables d’exécutant.
Julien SARABEN côtoya au cours de sa carrière des artistes de toutes sortes, des acteurs, Sarah
BERNHARDT, Pierre RENOIR, MOUNET-SULLY, DORIVAL. A leurs côtés il se
familiarisa avec le monde bien particulier du théâtre et en garda une certaine
nostalgie.
Avant de parler du peintre, évoquons le Conservateur du Musée du Périgord. Il prit la direction
effective de ce riche musée de province en 1942. Aussitôt il entreprit de faire
des rangements – c’était plus que nécessaire – et aménagea diverses sections,
notamment celle de la Préhistoire. Il ordonna également l’installation de
l’éclairage. Un peu plus tard il faisait entrer au musée une très intéressante
collection de dessins et bronzes de la grande artiste Jane POUPELET, originaire
du Périgord, personnalité la plus marquante de « la bande à
SCHNEGG », dans le sillage de RODIN qui se reconnut dans sa quête de
« la beauté dans la simplicité ». C’est grâce à l’action de Julien
SARABEN que le musée passa de deuxième en première classe. Cela devait être
dit.
3.
Lorsque Julien SARABEN quitta ses fonctions de Conservateur une œuvre importante avait été réalisée.
Elle devait être poursuivie par son successeur, l’actuel Conservateur, Monsieur
SOUBEYRAN.
Précisons aussi
que le premier budget du musée fut crée par
M. PUGNET,
alors Maire de Périgueux, et pendant la gestion de Julien SARABEN. Venons-en
maintenant à l’artiste.
Julien SARABEN
aborda toutes les disciplines de l’art : peinture à l’huile, aquarelle,
bois gravé, eaux-fortes, dessins. Bien qu’il ait connu dans tous ces procédés
une réussite certaine, il semble qu’il ait donné toute sa mesure dans le dessin
et la gravure. Il dessine en effet merveilleusement et tout le monde est obligé
de s’incliner devant le charme, la souplesse, la précision et la richesse qui
caractérisent ses dessins. Ces mêmes qualités se retrouvent dans ses
illustrations, car c’est aussi un grand illustrateur qui fit « parler de
lui » dans des œuvres comme Léon Bloy et le Périgord aux éditions
FLOURY, Les grands chemins sous la lune de Pierre FANLAC, Poèmes de la
fin du jour de Germaine KELLERSON, L’Esthétique des Fleurs du Mal
de PALERMO, La Légende de Saint-Julien L’Hospitalier de Gustave
FLAUBERT (tous ces ouvrages édités chez Pierre FANLAC à Périgueux), Candide
de VOLTAIRE, aux éditions FONTAS, des brochures scolaires éditées chez DIDIER à
Paris…
L’affiche le
tenta également et une de ses dernières œuvres est l’affiche touristique « Périgord »
éditée chez FANLAC.
Ses talents de
peintre furent mis en valeur et reconnus dans de nombreuses expositions, dont
les principales sont : Soissons, Le Havre (1923), Dunkerque (1925),
Périgueux, Limoges (1942), Société des Artistes Indépendants de Paris depuis
1925, et chaque année depuis cette date, Société des Artistes Normands à Rouen
(de 1952 à 1955), à « l’Atelier » de Bordeaux (depuis 1952), Salon
Annuel des Beaux-Arts de la Dordogne (dont il est Président d’Honneur), Salon
de Brantôme, Sarlat…. Julien SARABEN exposa aussi, dès leur création, aux
« Indépendants Bordelais » de 1927 à 1939.
Ces quelques
dates sont les principaux jalons d’une carrière féconde, celle d’un artiste qui
ne triche jamais avec l’art, et dont la technique fut toujours mise au service
de la sensibilité et de la poésie.
4.
On peut
signaler enfin que Julien SARABEN est Chevalier de la Légion d’Honneur,
Officier des Palmes Académiques. Sa biographie est dans le « Who’s
Who in France ».
Si l’on devait
adresser à Julien SARABEN des remerciements, on lui rendrait hommage pour sa
large contribution à l’Art, et pour ce qu’il a généreusement donné à ses
nombreux élèves qui gardent de lui un souvenir qui n’est pas prêt de s’effacer.
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