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LE DEVOIR DE SOLEIL DE BERNADETTE LAFONT

Pour leur cinquième édition, les Rencontres Buissonnières ont frappé très fort en accueillant tout au long d’une journée Bernadette Lafont venue présenter un génial documentaire signé André S. Labarthe relatant ses 50 ans de carrière ainsi que deux de ses films récents où elle donne la pleine mesure de son talent. Une nature, une grande comédienne et une fort belle personne qui n’a jamais l’air sombre ou boudeur : « Face au public j’ai, dit elle, un devoir de soleil ! ». Elle aura assurément été notre soleil ce vendredi 13 février 2009, plutôt frisquet en Périgord Noir.

JE ME SUIS BATTUE TOUTE MA VIE POUR MA LIBERTÉ
J’AIME LES GENS QUI NE SONT PAS FORMATÉS
J’AIME LES CHEMINS DE TRAVERSE

Vous prenez trois vedettes de cinéma : Brigitte, Marina et Odette. Vous secouez énergiquement et vous obtenez une Bernadette, mutine, slave et joyeuse mais très rapidement, tout-à-fait incontrôlable : « Je me suis battue toute ma vie pour ma liberté, c’est ma seule fidélité ! » Derrière son sourire incroyablement craquant, ses pommettes hautes et ses yeux fripons, Bernadette Lafont n’a jamais été une starlette malléable à souhait. Le fabuleux documentaire qu’André S. Labarthe vient de lui consacrer : « Bernadette Lafont, exactement » en est le parfait manifeste. Tourné chez elle dans une apparente nonchalance – la vie continue avec les amis qui déboulent, le feu qui crépite, la musique qui emporte le tout grâce au violoncelle et à la voix du langoureux Sébastien Grangambe – ce documentaire manie l’intime avec une infinie délicatesse et nous offre un moment partagé dont on ressort à regret. En moins d’une heure il dit l’essentiel sur le parcours atypique de la comédienne grâce aux entretiens menés par Jean Douchet et Dominique Païni et grâce aussi à un colossal travail de recherches d’archives fait en amont pour montrer des extraits inattendus de sa foisonnante filmographie.
Il y a au tout début la jeune fille ingénue qui promène avec sensualité ses allures de danseuse dans « les Mistons » de François Truffaut en 1957, son tout premier rôle : « Je voulais être danseuse, mes premiers rôles, je les danse, se souvient-elle ». François Truffaut qui la compare à Michel Simon dans « Boudu sauvé des eaux » et lui promet, dans ce registre, une brillante carrière. Il y a aussi des images issues de films expérimentaux, réalisés dans l’esprit décapant des performances des années 60, comme cette scène où elle saute à cloche pied à côté d’un curé tout aussi tétanisé qu’elle dans « Marie et le curé » de Diourka Medvedzki ou encore ce cauchemar éveillé aux côtés de Bulle Ogier dans « Piège » de Jacques Baratier tourné en 1968, où elle gobe casse et jette des œufs dans une cuisine sordide envahie de bruitages de délirium trémens. « J’aime les gens qui ne sont pas formatés, j’aime les chemins de traverse. Je n’ai jamais aucun regret, ce qui est fait ne m’appartient plus. Il y a des films que je n’ai jamais vus ou que je ne revois jamais. » Elle nous confie vivre sans télévision, au coin du feu toute l’année avec ses livres et sa musique, solitaire au fond, pas mondaine pour un rond. Après 50 ans de carrière au cinéma et 40 ans de carrière au théâtre, cette liberté continue d’illuminer son regard avec le même éclat irréductible et quand on lui demande « Qu’avez-vous envie de faire à présent ? Elle répond : « Ce que je fais justement. Je suis très heureuse d’aller retrouver Robin Renucci et Xavier Gallais, à la Comédie des Champs Elysées à Paris où nous faisons ensemble des lectures d’extraits de Proust « À la recherche du temps perdu », jusqu’au mois d’avril. Le théâtre c’est pour moi comme un délicieux rendez-vous. »

UNE BELLE FILLE COMME ELLE

Toute l’équipe des Rencontres Buissonnières du Cinéma Lux du Buisson nous a offert elle aussi à sa manière un délicieux rendez-vous tout au long de cette journée marathon aux côtés de Bernadette Lafont. Un vendredi 13 inoubliable. Après le documentaire consacré à sa carrière, deux de ses films récents tournés dans des registres bien différents furent projetés.
Dans « Les Petites Vacances », le premier film d’Olivier Peyon, elle incarne une institutrice à la retraite qui ne sait pas par quel bout attraper la vieillesse. Elle décide de fuguer avec ses petits enfants qu’elle voit peu et avec lesquels elle a envie de redonner un sens à ce moment difficile de sa vie. Elle y est douce, affectueuse et très humaine, mais en déséquilibre avec une tension intérieure permanente. Un rôle qui lui a demandé énormément d’effort, car elle ne sait ni pleurer ni craquer sur commande. Un film au final qui aura beaucoup compté pour elle « Dans ce rôle, j’ai pu mettre toutes mes souffrances ».
Enfin, elle nous a présenté et a elle même vu pour la première fois à l’écran « La première étoile », premier film du comédien Lucien Jean-Baptiste qui évoque les premières vacances à la neige d’une famille originaire des Antilles vivant à Créteil. Bernadette Lafont et Michel Jonasz campent un couple de montagnards qui voit débouler une famille noire qu’il va falloir héberger et apprendre à aimer. C’est une comédie très enlevée servie par Anne Consigny, Firmine Richard et un casting d’enfants éblouissant. Tous les ingrédients pour un bel avenir. Rappelons-nous que l’an dernier lors de ces mêmes Rencontres Buissonnières sortait en avant-première nationale un fil intitulé « Les Ch’tis »… On connaît la suite.

Sophie Cattoire


À la recherche du temps perdu
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