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BERNIFAL DANS LES SALLES ET LES FESTIVALS
Héros du film de sa réalité, Gilbert poursuit sa tournée.

Comment conserver la douceur de ces instants ? Les nouvelles projections en salles et en festivals du film : LE DERNIER PAYSAN PRÉHISTORIEN ont ouvert les portes d'une nouvelle dimension. Celle d'un film en passe de devenir culte, avec une osmose et une harmonie complètes qui s'opèrent entre le public, le personnage et la bulle de tendresse paysanne et préhistorique qui ondule sur l'écran. Sur ce chemin de lumière au cœur des salles obscures, Gilbert Pémendrant, berger de Bernifal, poursuit sa transhumance virtuelle. C'est sur l'écran que son troupeau de mammouths, d'aurochs et de bouquetins l'accompagne fièrement.



PARTAGER ET PROTÉGER, C'EST POSSIBLE

Au cinéma Max Linder de Ribérac, un jeudi soir d'automne, sous une pluie diluvienne et dans le cadre du mois du film documentaire, la salle se remplit au chaud et dans la bonne humeur. Dès avant le film, des aficionados tiennent à s'exprimer :
« Nous avons déjà vu le film, nous avons déjà vu la grotte, et nous venons pour revoir Gilbert tellement il nous a conquis ! »
Gilbert, les larmes aux yeux, ne perd pas son sens de la répartie qui traduit son intelligence de chaque instant :
« La grotte est bien, le guide aussi ! »
À l'issue de la projection tout le monde veut sa photo dédicacée et son numéro de téléphone. Il les donne, surtout aux dames qui viennent l'embrasser et qui repartent enchantées.


Le lendemain, rebelote au Pôle International de la Préhistoire aux Eyzies, où pour la troisième fois le film est présenté pour accueillir ceux qui n'avaient pu entrer lors des deux premières projections du printemps, pleines à craquer. Et là d'emblée, le préhistorien Jacques Buisson-Catil qui vient de prendre ses fonctions de directeur des lieux évoque l'émerveillement qu'il a ressenti lors de la visite de la grotte de Bernifal faite avec Gilbert quelques jours auparavant. Une grotte qu'il avait déjà visitée et appréciée il y a une vingtaine d'années. Un souvenir marquant qu'il n'est pas le seul à avoir conservé. Aussitôt dans le public une jeune femme veut en témoigner :
« J'ai visité la grotte enfant et c'est ce qui m'a donné la vocation de devenir préhistorienne. »
Et alors que j'évoque le talent tout particulier que Gilbert développe instinctivement pour faire découvrir et aimer sa grotte aux enfants, Isabelle Petitfils, organisatrice de classes vertes à Cladech demande :
« Seriez-vous d'accord Monsieur Pémendrant pour former des guides pour d'autres sites ? »
Gilbert répond dans un sourire :
« À condition qu'il y ait autant de photos et de bisous à la sortie ! »
Car en effet, à la sortie de Bernifal, chacun le prend en photographie et le serre dans ses bras, comme pour garder un peu de lui et de ce rêve éveillé qu'il vient de partager dans le calme et la splendeur de sa grotte ornée.
« Mais pourquoi les propriétaires de grottes ne pourraient-ils plus dorénavant les garder ? »
Christine Laurent, propriétaire du château de Miremont, pose d'un coup une question clef. En effet, comme l'explique Gilbert à la fin du film, depuis la nouvelle Loi sur l'archéologie préventive votée en 2001, qui traite de cet intitulé mais pas seulement, en cas de découverte d'un vestige archéologique immobilier – monument, grotte, etc. –  celui-ci est présumé appartenir aux collectivités locales ou à l'État, si ces collectivités ne manifestent pas le souhait de l'intégrer dans leur patrimoine.

Cette Loi a été votée dans le but de protéger le patrimoine de l'humanité, en privilégiant la protection avant même la recherche et en exigeant des chercheurs des approches aussi peu vulnérantes que possible. Mais, comme le souligne Jacques Buisson-Catil lui-même, il n'est pas certain qu'elle soit conforme au Droit européen, dans la mesure où aucun dédommagement – hormis pour l'accès au dit vestige – n'a été prévu pour le propriétaire. Il y a une notion de spoliation qui pourrait poser problème lors de la prochaine découverte d'un site archéologique majeur.

Dans le calme, le respect mutuel et avec fraternité, la salle a ainsi pu aborder la question essentielle de la sauvegarde du patrimoine de l'humanité. C'est le cœur même de ce film qui n'est pas une bluette dans les cavernes et dans les prés, mais une occasion de voir que ne rien toucher est un bon protocole de conservation qui permet justement de toucher au plus profond le cœur des hommes s'ils y ont accès.

LE DERNIER PAYSAN PRÉHISTORIEN
dans la sélection officielle du onzième
FESTIVAL DU FILM D'ARCHÉOLOGIE D'AMIENS

Quel honneur ! Être retenu dans la sélection officielle du Festival du Film d'archéologie d'Amiens, en Picardie, berceau de l'archéologie préhistorique ! Nous étions rudement fiers. Nous avons pris le train Brive-Amiens avec Gilbert Pémendrant, un vendredi 13 avril, très tôt le matin. Il goûtait chaque seconde. Son dernier voyage en train, c'était en 1956, pour aller faire son service militaire. Après une traversée de Paris en métro un peu stressante, nous arrivâmes dans la belle gare d'Amiens, sous ce ciel intense qui surgit après la pluie, cet étrange gris bleuté éblouissant qui rend tout décor divin. Nous avons levé les yeux vers la Tour Auguste Perret qui domine toute la ville, toute la Somme, presque, et nous sommes allés nous installer dans la grande salle du cinéma Gaumont pour dévorer des kilomètres de films consacrés à l'archéologie sous toutes ses formes.

Tahar Benredjeb, directeur du festival, port altier, cheveux noirs, planté bien droit sur terre comme un grand chef inca, présente les films et leurs réalisateurs. Soixante-cinq films qui s'enchaînent au cours de quatre journées marathon. Nous arrivons au troisième jour, en plein débat sur « l'archéo-business ». Oui, ça existe toujours. Un gros trafic d'objets très anciens issus de pillages mais qui alimentent tout de même collectionneurs et musées. Un trafic démantelé par une courageuse enquête policière et journalistique relatée par Adolfo Conti dans son film : « Trafic au musée ».

Le lendemain, nous présentons notre film en expliquant que, oui, dans le même temps, dans le même monde, il est possible de protéger et de partager les trésors du passé. Gilbert, dans sa grotte et dans sa ferme, entraîne le public amiénois d'un pays plutôt plat vers les mystères karstiques du Périgord noir, ses grottes, ses abris-sous-roche. La salle s'envole et voyage.

Les élèves de la section audiovisuelle du Lycée La Hotoie qui couvrent l’évènement, sous la houlette de leurs professeurs Lionel Philippe et Luis Serra, nous proposent une interview. Renaud, seize ans, nous demande comment il est possible de faire un vrai documentaire, sans mise en scène ni exposé illustré. Je lui réponds qu'il faut être là et savoir très vite dégainer sa caméra, un réflexe qui s'acquiert avec le métier de journaliste grand reporter que j'ai exercé vingt ans à la télé. En s'octroyant de surcroît un luxe incroyable : le temps, celui que nous nous sommes accordés tout au long des cinq années du tournage.

Après un après-midi consacré à l'archéologie préventive et de nombreux films nous montrant à quel point l'INRAP est sur tous les fronts pour sauver les vestiges de toutes les époques qui ont précédé la nôtre, avant un nouvel engloutissement sous nos autoroutes et nos lotissements, la soirée fut consacrée à l'Europe préhistorique avec la projection du film d'Axel Clevenot : « Les premiers Européens ». Une fresque d'une créativité visuelle remarquable, fondée sur les découvertes archéologiques majeures faites à travers l'Europe, qui retrace les grandes étapes connues à ce jour de notre cheminement depuis la sortie d'Afrique.

Ce film recevra le soir même le grand prix du Festival. Le prix de la Drac, récompensant le meilleur documentaire consacré à l'archéologie métropolitaine, reviendra à David Geoffroy pour son film : « Gergovie, archéologie d'une bataille », la célèbre bataille qui vit la victoire de Vercingétorix et de ses troupes sur les légions romaines en 52 avant Jésus-Christ. Un film ambitieux réalisé avec peu de moyens mais énormément de rigueur et de talent. Le prix Jules Vernes-Amiens Métropole récompensant le documentaire dans lequel l'aspect « aventure humaine » est particulièrement mis en avant fut remis à Olga Prud'Homme Farges pour son film : « Christiane Desroches-Noblecourt, une passion égyptienne ». Un portrait touchant de la célèbre égyptologue disparue l'année dernière. Le Prix GRT gaz « Archéologie et partenariat industriel » fut remis au « Port englouti de Constantinople » de Hannes Schuler. Un port enfoui sous le sable dans le détroit du Bosphore, sur la rive de l'actuelle Istanbul. Enfin, le Prix du Conseil Général de la Somme, attribué par un jury composé d'élèves du club archéologique du Collège d'Airaines, fut remis à « Cosquer sauvée des eaux » de Juliette Cambot, René Heuzey et Vincent May. Un film en partie tourné sous l'eau, car l'accès à la grotte ornée de Cosquer se fait par la mer, à l'occasion de la captation du modèle 3D de la cavité qui permettra l'ouverture prochaine d'un fac-similé à Marseille.

Quant à Gilbert, il fut appelé à monter sur la scène par le public, très ému par son témoignage, tout comme le fut le président du jury, Bruno Béart, conservateur général du Patrimoine, qui eut la délicatesse de lui rendre hommage. Françoise Payen, l'une des bénévoles engagée de ce festival, lui offrit une spécialité locale confectionnée par ses soins : des macarons d'Amiens présentés dans un verre orné de chevaux de type Lascaux peints de sa main. Un geste adorable auquel nous fûmes très sensibles.

VERS L'INFINI ET AU-DELÀ

Nous ne voulions pas quitter la Somme sans faire un peu mieux connaissance avec la terre des pionniers ; Marcel-Jérôme Rigollot, Casimir Picard, Victor Commond ou encore Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes, ceux qui firent accepter la vérité que murmurait le sous-sol, à savoir la haute antiquité de l'homme, résolument antédiluvien.

Ayant appris grâce à nos confrères de France 3 que les vues depuis le sommet de la Tour Perret étaient formidables, nous nous sommes rapprochés d'Amiens Métropole le lundi et l'après-midi même, grâce à Sophie Vachon, nous avions accès au vingt-sixième étage en compagnie de Xavier Bailly, directeur du Patrimoine. Nous étions aux anges, d'autant que l'histoire de Saint-Acheul nous y fut contée.

C'est en prélevant la terre à brique pour bâtir les maisons, les fameuses « amiénoises » que furent découverts, à partir de 1854, les 20 000 bifaces pré-néandertaliens du quartier de Saint-Acheul situé à l'Est d'Amiens et qu'il fallut accepter qu'à l'Acheuléen donc, il y a 450 000 ans, vivaient ici les premiers Européens ! Et le jardin archéologique était là, à portée de vue, entre la Somme et la voie romaine, devenue boulevard aujourd'hui. Là, aux abords d'une ville verte où circulent bus et vélos, tout autour d'une imposante cathédrale gothique qui certes pourrait contenir deux fois Notre Dame de Paris mais dont nous dominions pour l'instant largement jusqu'aux plus vertigineuses gargouilles.

Ainsi, nous repartîmes avec beaucoup d'images, vues au cinéma ou capturées dans le réel, toutes très nourrissantes pour l'imaginaire. Le voyage de retour en Périgord nous déposa à la ferme de la Fuste et à La Ferrassie, épuisés et heureux. Le temps de reprendre des forces, paisiblement. L'aventure des festivals ne fait que commencer.

Sophie Cattoire

Copyright (c) Ferrassie-TV 23 avril 2012 Vidéos | Photos | Sommaire