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“TO UNDERSTAND LASCAUX YOU MUST FIRST GO AND SEE BARA-BAHAU”

All of us were taken by surprise – dumbstruck, so to speak - when the impressive Bara-Bahau engravings were found: a bear, a bison, a phallus, a reindeer, horses, ibexes, aurochs and, on either side, a hand engraved over claw marks left behind by bears… the hand of man had touched up the bear traces as the artists crawled along in those very same places where bears hibernated a long, long time ago.
For those of us living in Le Bugue “Bara-Bahau”, or “Barabau” in Occitan, conjured up the sound of big blocks of stone crashing down into the gallery where kids of all ages liked to come and play. But the events of April 1 1951 changed all that when the well known explorer, Norbert Casteret (1897-1987) – a sort of Jules Verne style hero dressed up like a cosmonaut from down below – arrived on the scene with his children, Raoul and Maud, aged 25 and 23. Wriggling along to reach the innermost recesses of this fantastic underground realm, Maud was the first to discover above her head three “ribbons” of very large engraved animals. The word “ribbon” will probably make you smile, but what she saw is hard to describe since “fresco” usually refers to paintings and “frieze” is used for small engravings. Bara-Bahau is different in that it has neither.
Its treasure is not unlike a fresco but the animals, which get smaller and smaller towards the floor of the cave, are engraved on three superimposed levels. There couldn’t have been much room for manoeuvre as the artists lay on their backs, sat or stood, depending on where they wanted to trace these figures. Another feature: there are the main outlines but also the manes, the lower jaws and inside the outlines there are parallel lines drawn by fingers, probably meant to accentuate the shapes and the volume as they followed the bumps in the rock surface.
And the more you look at them, the more they come to life and the less they look like any other form of rock art in the Vézère valley. It is as if, here in this place, this art form were at a different stage in its evolution. Small wonder that Abbé Glory felt so deeply moved here and made the following statement to our Périgord Magazine colleague, B. de Romefort, in 1964: “To understand Lascaux, you must first go and visit Bara-Bahau.”



« BARA-BAHAU, PREMIÈRE ÉCOLE D’ART PARIÉTAL EN PÉRIGORD »

Ainsi l’abbé Glory intitule-t-il le premier chapitre de sa brochure consacrée à « La caverne ornée de Bara-Bahau » publiée en 1955. Qui est l’abbé Glory ? Né à Courbevoie en 1906, ordonné prêtre à Strasbourg en 1933, il s’initie à la spéléologie et découvre la préhistoire en Alsace. Réfugié à Toulouse en 1940, il y rencontre l’abbé Breuil, de 29 ans son aîné, qui, en quelque sorte, lui passera le relais. Ensemble ils étudieront et feront les relevés de la grotte de Lascaux découverte à Montignac cette même année. En 1955, c’est depuis Lascaux qu’il sera contacté par Marcel Maufrangeas, directeur du syndicat d’initiative du Bugue, pour venir étudier les figures de Bara-Bahau. Il installe au Bugue son domicile et son laboratoire rattaché au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. Sa vision de Bara-Bahau sera naturellement nourrie par le regard de son maître, l’abbé Breuil qui décrit dans la préface de la brochure de l’abbé Glory sa rencontre avec Bara-Bahau et sa conviction immédiate d’être face aux prémices de l’art pariétal, face aux tracés les plus anciens jamais observés :
« Le 15 août 1951, rentré de longs séjours en Afrique Australe à la chasse des plus belles roches peintes du vieux monde, et revenu comme d’instinct au théâtre vézérien de mes anciennes recherches, je fus conduit par Séverin Blanc à la grotte ornée de Bara-Bahau au Bugue, récemment découverte par les Casteret.
L’authenticité quaternaire des figures ornant la paroi gauche que j’y contemplai était indiscutable. La paroi de calcaire marneux décomposé en argile et noyauté de rognons de silex était la moins propre du monde à recevoir des images ; pourtant avec le doigt ou un bâton en bois, toute la surface était labourée de sillons, de hachures, de ponctuations dont beaucoup s’agençaient en figures de quadrupèdes de bonne dimension (…). « Bara-Bahau » n’est pas à elle seule un chapitre de la Préhistoire de l’Art, ce n’en est qu’un paragraphe mais on trouve un document original, essentiel, nouveau, que tout préhistorien devra connaître et apprécier à sa juste valeur d’introduction. »

« LE TEMPLE AUX ENVOÛTEMENTS »

L’abbé Glory va donc s’exécuter. Juché sur des échelles, armé de plexiglas pour ne pas abimer les parois, il décalque les trois fresques superposées, de jour et de nuit pendant deux mois et demi. Après cette fréquentation intime et prolongée du site, il le baptise : « Bara-Bahau, Première École d’Art en Périgord » ou encore « Le Temple aux envoûtements » et livre ainsi son interprétation du palimpseste des tracés :
« Comme l’enfant du premier âge, l’homme imitant les figures des pistes tracées par le gibier, a gribouillé sur l’argile des sols et sur le calcaire des plafonds de cavernes, des labyrinthes de lignes, puis il les a animalisées en ébauchant les silhouettes grossières des bêtes qu’il chassait. (…) Nos ancêtres qui s’éclairaient avec des lampes en pierre et des brandons, émettaient des contrastes d’ombres et de lumières mouvantes, découpant sur fond noir des accidents rocheux dont plusieurs évoquaient souvent des formes extérieures. La Grotte de Bara-Bahau est très significative sur ce point. (…) »

« PÉLERINAGE AU BERCEAU DES BEAUX-ARTS »

Tel est le titre que l’abbé Glory donne au dernier chapitre de sa brochure, résumant sa perception enthousiaste du site de la sorte :
« Si l’on voulait faire une brève synthèse de toutes ces données archéologiques, on pourrait présenter Bara-Bahau comme un éloquent témoignage des Premiers Imagiers qui ont inauguré en Périgord les Académies d’Art Préhistorique ».
Pour faciliter la lisibilité pour les visiteurs, l’abbé Glory a l’idée d’une astucieuse mise en perspective. Dans la salle des gravures savamment éclairée, des pupitres lumineux présentent ses relevés et permettent de mieux les discerner de haut en bas de la paroi.
Le dispositif est resté tel quel et la visite assurée par Dominique Mouligné, propriétaire des lieux, préserve toute la magie de l’endroit grâce à un jeu d’ombre et de lumière qu’elle sait recréer, retrouvant le mystère des lampes à graisse vacillantes tenues par les artistes qui se sont ici exprimés. C’est ce qui rend le voyage lointain et merveilleux, surtout après que l’on ait traversé la gigantesque galerie, royaume englouti sous les mers évanouies du Crétacé, car, rappelons-le, il y a 80 millions d’années, le Périgord était sous la Mer. Entrer dans l’univers de Bara-Bahau c’est plonger au cœur de strates marines surdimensionnées tout en remontant aux sources des arts premiers d’Occident, un voyage dans l’espace et le temps dont on ressort calme et réconforté. Nous sommes tous héritiers de ce legs de nos ancêtres et avons su le conserver. Bara-Bahau est l’un de ces sites préhistoriques authentiques qui font toute la force du Périgord.

Sophie Cattoire

Le débat sur les datations

Alors, l’âge de la grotte ?

A cette question posée par le journaliste B. de Romefort du Périgord Magazine qui fait sa Une sur Bara-Bahau en novembre 1964, l’abbé Glory répond ceci : « Elle se place dans les 30 000 ans pour donner un chiffre sûr. Dans un certain sens, une des plus anciennes d’Europe et une des plus anciennes accessible au public ».

Par la suite de nombreux préhistoriens de haut vol viendront donner leur avis et les points de vue seront variés.

André Leroi-Gourhan en 1965 expose dans son célèbre ouvrage 'Préhistoire de l’art occidental' les difficultés qu’il rencontre pour dater les tracés : « Cette grotte est déconcertante du point de vue stylistique. La décoration occupe la paroi gauche et la voûte d’une vaste salle, elle se trouvait au paléolithique dans la première pénombre. C’est un caractère qui marque les cavités décorées les plus anciennes, mais les exemples récents ne manquent pas. (…) Les signes sont le meilleur élément de datation : les grilles à barreaux verticaux paraissent être l’ultime aboutissement des signes rectangulaires du style III, elles semblent précéder de peu les tectiformes dans la région des Eyzies. Bara-Bahau serait donc de la transition entre les styles III et IV ancien, c’est-à-dire du magdalénien ancien ou final ou moyen-débutant. »

Denis Vialou lui aussi éprouve quelques difficultés pour avancer une date. Il l’explique dans son 'Guide des grottes ornées préhistoriques', ouvertes au public paru en 1976 :  « Les quelques outils atypiques recueillis et l’absence d’éléments stratigraphiques rendent délicate la datation de la fréquentation artistique de la cavité, la décoration rendue singulière par la nature de la roche n’autorise pas des comparaisons serrées. (…) faut-il attribuer ces gravures à l’art aurignaco-périgordien comme le voudraient H. Breuil, A. Glory… ou bien éventuellement au tout début du magdalénien (A. Leroi-Gourhan) ? En vérité, l’originalité de la grotte de Bara-Bahau tient à ce caractère insolite des gravures pleinement paléolithiques ».

Les derniers chercheurs à s’être prononcés sur la question, après avoir effectué leurs propres relevés en 1986 et 1987 et s'être livrés à une étude méthodique de la cavité, sont Brigitte et Gilles Delluc qui proposent un rattachement au Magdalénien dans leur ouvrage 'L’art Pariétal archaïque en Aquitaine' paru en 1992 :  « Pour dater Bara-Bahau du Magdalénien, nous pouvons avancer les arguments suivants : l’aspect des cornes de l’aurochs, sinueuses, à double courbure en S, en perspective normale ; le caractère parfaitement réaliste de l’arrière-main du cheval du registre supérieur, le tracé bien proportionné de « l’étalon » et de la « jument », la présence de détails anatomiques assez nombreux (yeux, naseaux, barbes et queues poilues, « souffle » de « l’étalon » et de l’ours). Le signe ramifié, visible sur la face latérale du cou de la « jument », va également dans ce sens. Le grand cheval, récemment mis en évidence par les détails de son tracé (œil, bouche, crinière, queue faite de plusieurs traits), évoque avant tout une figure d’un moment avancé de l’art paléolithique. » 

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Bibliographie :

Quatre cents siècles d’art pariétal, H. Breuil, Centre de documentation préhistoriques, Montignac, 1952.

Caverne ornée de Bara-Bahau, Le Bugue-sur-Vézère (Dordogne), A. Glory, Imprimerie spéciale de Banque, Montreuil, 1955.

La caverne ornée de Bara-Bahau, (Au Bugue-sur-Vézère, Dordogne), A. Glory in Congrès Préhistorique de France, compte-rendu de la XVe session, Poitiers Angoulême, 15-22 juillet 1956.

Préhistoire de l’art occidental, A. Leroi-Gourhan, Mazenod, Paris, 1965.

Guide des grottes ornées préhistoriques, ouvertes au public, Denis Vialou, Masson, Paris, 1976.

L’art pariétal archaïque en Aquitaine, Brigitte et Gilles Delluc, XXVIIIe supplément, Gallia Préhistoire, éditions du CNRS, 1992.

Bara-Bahau, grotte préhistorique au Bugue

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