Après un vaste programme de restauration sous l’égide des Bâtiments de France, le
Château de Coulonges, situé au Nord Ouest de Montignac, s’ouvre à la visite cet
été, du 1er juillet au 10 août, tous les jours de 12h à 19h. L’occasion de découvrir
l’arsenal défensif d’un château fort du Moyen Âge, survivance d’un très ingénieux
réseau de communication stratégique mis en place par le seigneur Renaud Pons de
Montignac, un fidèle d’Alphonse de Poitiers, comte de Toulouse. Durant trois siècles
d’intense rivalité entre Rois d’Angleterre et Rois de France, les intrusions belliqueuses
en Périgord furent en effet très nombreuses et il fallut apprendre à se protéger.
Ce réseau intégrait une douzaine de tours de guets et plusieurs maisons fortifiées,
dont la Faye à Auriac et Coulonges à Montignac, qui apparaît dans les textes au
milieu du XIIIe siècle
sous le nom de fortalicium, dans ce contexte défensif mais dont on ne peut déterminer
l’origine exacte, faute d’archives concernant le Périgord avant le XIe siècle.
Afin de rassembler les éléments historique tangibles dont nous pouvons disposer
à son sujet, nous avons sollicité Bernard Fournioux, archéologue et médiéviste,
qui a mené un travail colossal de recherche d’archives sur la région de Montignac
au Moyen Âge entre autre. Voici avec son autorisation les éléments qu’il a
pu collecter à son propos.
|
Campé au fond d'un vallon, dans son écrin de verdure, on a du mal à attribuer aujourd'hui
un rôle stratégique au château de Coulonges sans le recours aux documents d'archives.
Dans le contexte de la seconde moitié du XIIIe
siècle jusque dans la première moitié du XVe siècle, Coulonges constitue l'un des
points forts de la châtellenie de Montignac que les hommes de plume de la fin du
Moyen Âge désignent par les termes de fortalicium en 1414 et de castrum
en 1443. L'origine du château réside vraisemblablement dans l'implantation d'une
tour aux modestes dimensions comparable à celle de La Faye d'Auriac qui est aujourd'hui
désaffectée et imbriquée dans une architecture hétéroclite des XVIe-XIXe
siècles.
Cette position forte relève alors directement des seigneurs châtelains de Montignac,
les Pons, venus de Saintonge, vassaux du comte de Toulouse et seigneurs les plus
influents de la province après le comte de Périgord. Coulonges dut faire partie
à l'origine de ce vaste dispositif de tours de guet, participant à l'encadrement
stratégique et à la défense de la châtellenie au XIIIe siècle et dut exercer le contrôle du passage sur
la hauteur de cette importante voie de communication qui reliait alors Périgueux
à Toulouse via Montignac et Domme.
Ce lieu sera inféodé dans la seconde moitié du XIIIe
siècle à l'un de ces chevaliers, de ces milites castri résidant dans le
castrum de Montignac et évoluant dans l'entourage du seigneur du lieu. Le premier
lignage détenteur connu du fortalicium de Coulonges sont les Gibra qui occupent
une place privilégiée auprès des puissants seigneurs que sont les Pons de Montignac.
Ademar Gibra en 1290, qualifié de dominus, se porte garant de la bonne
exécution des dispositions testamentaires de Renaud de Pons et est désigné tuteur
du fils héritier. De même en 1296 le dit Adémar Gibra se porte partie lors du pacte
de mariage noué entre Renaud de Pons, dominus de Montignac et Yzabelle
de Lévis fille du seigneur de Mirepoix. Les Gibra, tout au long du XIVe siècle, prêtent hommage au seigneur de Montignac
pour leur hospicium de Coulonges et ses dépendances foncières. Le dernier
représentant de ce lignage mentionné dans les documents est W. (Willelmus, Guillaume)
Gibra qualifié de donzel en 1402. Les Gibra font partie de ces anciennes
familles nobles du Bas-Limousin aujourd'hui éteinte. Ils font leur apparition dans
les textes, entre 1082 et 1091, lors d'une donation faite à l'abbaye de Vigeois
par Bernard de Terrasson. En 1431, ils ne se qualifient plus que de seigneur de
la Mothe de Thenon.
À l'aube du XVe siècle,
le fortalicium de Coulonges change de maître. Succèdent alors aux Gibra les Helies
originaires vraisemblablement du Bas-Limousin et de la châtellenie vicomtale de
Ségur. Le premier d'entre eux apparaît dans un acte daté du 10 avril 1414, il s'agit
de Johan Helyas, qualifié alors d'escuier et de dominus du fortalicium de Coulonge.
Le duc d'Orléans lui concède la haute justice sur le lieu et les exploitations agricoles
qui en dépendent et lui accorde le droit de guet. Johan dit Johannot est en 1397-1400,
capitaine du castrum d'Auberoche pour le duc d'Orléans, frère du roi de France,
devenu senhor de Montignac après la déchéance du dernier comte de Périgord et la
confiscation de ses biens. Le 14 mai 1443 Johannes Helyes dans un acte dressé dans
le castrum de Colonges se qualifie de miles de Chabrignac près de Pompadour et de
Colunges.
Les Helies font partie de ces chevaliers gravitant dans l'orbite du vicomte de Limoges
au XIVe siècle. L'un d'eux,
Geoffroi Helie, à la tête de deux cents sergents d'armes, est chargé en 1345 avec
le capitaine de Gui de Neuville de conduire l'ost vicomtal du castrum
de Nontron à celui d'Excideuil, ceci afin de barrer la progression des troupes anglaises
d'Henry de Lancastre, comte de Derby, qui se sont emparées des castra d'Auberoche
et d'Ans, dans la vallée de l'Auvézère. Dans le dernier tiers du XVe siècle, Antoine Hélie seigneur de La Motte acquiert
la haute justice sur la paroisse de Fossemagne.
Bernard Fournioux
|