Au Gouffre de Proumeyssac, à Audrix en Périgord, on n'apprend pas à faire du feu...
mais de la lumière ! On ne frotte pas, on pédale et sous terre, la Cathédrale
de Cristal forgée goutte à goutte depuis des millénaires s'éclaire. Bref, dorénavant
chaque visiteur de ce légendaire "trou du diable" devenu divine cavité grâce précisément
à la splendeur de ses jeux de lumières, peut contribuer à ce bel éclairage. L'étincelle
a jailli dans l'esprit du maître des lieux, Alain Francès, de longue date investi
dans la protection de l'environnement. Il développe à ce titre ‒ et on le sait
peu ‒ des toits solaires sur bâtiments agricoles au sein de l'entreprise Voltadrix
qu'il a créé en 2011.
CHASSE AUX GASPIS À TOUS LES ÉTAGES
De fait, Alain Francès a engagé depuis plusieurs années une réflexion globale pour
limiter les dépenses en matière d'eau, d'éclairage et de chauffage. C'est ainsi
un circuit d'eau de pluie qui alimente les sanitaires, l'arrosage et les ruisseaux
artificiels du Gouffre de Proumeyssac. Dans le hall d'accueil, un chauffage au sol
a remplacé le souffle des ventilo-convecteurs, par trop gourmands en électricité.
Pour ce qui concerne l'éclairage du Gouffre lui-même, des gradateurs ont été installés
pour solliciter juste la puissance nécessaire à chaque instant et par ailleurs,
les projecteurs les plus énergivores ont été abandonnés au profit de systèmes à
diodes électroluminescentes. Grâce à cette efficace "chasse aux gaspis", en novembre
2016 le Gouffre de Proumeyssac a été la première grotte de France à obtenir le label
« NF Environnement - Sites de Visite ».
LA TÊTE ET LES JAMBES
Alain Francès voulait aller encore plus loin. C'est alors qu'il fit cet intéressant
rapprochement :
« Nous consommons 130 000 kWh pour 140 000 visiteurs chaque année,
soit un peu moins d'un kilowattheure par visiteur. Il y a là comme une correspondance,
un potentiel d'énergie à envisager comme tel. Il suffirait de réinjecter un peu
d'énergie de chaque visiteur dans le site pour en limiter encore l'impact environnemental. »
À ce stade, l'idée du vélo générateur d'électricité n'était plus très loin. Alain
Francès en découvrit l'utilisation ici et là, notamment pour recharger les téléphones
portables dans certaines gares.
Restait à optimiser le potentiel de ce type d'appareil pour que son apport soit
significatif. Il confia cette mission aux professionnels de l'Atelier du son et
de l'image, société de Château-L'Évêque avec laquelle il travaille dans cette démarche
écologique globale depuis 25 ans. Ce sont Bertrand Gazi, technicien audiovisuel,
et David Martinet, chargé de projet, qui ont accompli la recherche et le développement
du prototype. Vitesse, démultiplication, ergonomie, esthétique, tout a été conçu
pour que le visiteur se sente récompensé de ses efforts. Il peut sur un tableau
lumineux visualiser la portée de son geste écocitoyen. Lorsque le réservoir est
plein, il devient écovisiteur diplômé, à même de télécharger ce titre honorifique
sur Internet.
PROBLÈME GLOBAL, SOLUTION LOCALE
Si les six Vel'Watt disponibles peuvent permettre aux visiteurs les plus courageux
de produire 20 % de ce que leur visite consomme en électricité, à terme, en
continuant à réduire la voilure en terme de consommation énergétique du site touristique
et en améliorant ces vélo-générateurs expérimentaux, la contribution des visiteurs
pourrait parvenir au pourcentage non négligeable de 35 %.
Longue vie aux circuits courts. Chaque initiative pour produire sur place, grâce
au vent, au soleil et à notre énergie vitale de quoi faire tourner nos lampes et
appareils diminuera d'autant les risques de détruire notre écosystème, la Terre.
Rappelons que retourner des milliers d'hectares pour extraire de l'uranium ‒ qui
n'est pas renouvelable ‒ pour faire tourner des réacteurs qu'on ne maîtrise
toujours pas, peut conduire à enfermer en Ukraine ou au Japon l'Apocalypse sous
des sarcophages de béton, à peu près aussi efficaces sur le long terme qu'une feuille
de papier à rouler sur un volcan.
Sophie Cattoire
Journaliste grand reporter
La mise en place des six Vel'Watt au Gouffre de Proumeyssac représente un investissement
de 100 000 €. L'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie)
participe à hauteur de 16 000 €, la Région Nouvelle Aquitaine, à hauteur de 25 000 €.
L'opération a été certifiée par l'AFNOR (Association française de Normalisation).
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