UNE CULTURE ÉCOLOGIQUE D’AVANT-GARDE
La famille Castang est implantée à Mauzens Miremont depuis trois générations. Le
grand-père Henri avait hérité de l’oncle François Beaucornu ces belles terres où
se rejoignent les eaux du Grand Font et celles du Brungidou, atout vital pour le
maraîchage. Autrefois l’eau ne courait guère partout. C’est l’Henri qui initia la
culture des légumes ici en 1945. Son fils, Etienne, né le 11 août 1934, appelé Jules
en souvenir du fils de l’oncle mort à la guerre de 14 -18, commença à travailler
sur l’exploitation dès l’âge de 13 ans. En 1960 il épousa, à Saint-Cernin de Reilhac
où elle vivait alors,Yvonne Courteville née le 14 décembre 1940 au Château de Malbec
à Fleurac où ses parents étaient domestiques. L’exploitation est aujourd’hui au
nom de leur fils Eric Castang, né le 28 septembre 1961, qui reste le seul maraîcher
du canton du Bugue. Il est vrai que c’est un métier harassant. Il faut assurer au
fil des saisons tout le cycle depuis la production du plant jusqu’à la vente directe.
En plein été, entre les marchés du Bugue et de La Douze, la livraison des restaurants
et des centres de vacances, la vente sur place et la comptabilité, les nuits sont
très courtes. Mais Eric fait son métier avec passion et, depuis 2 ans, en développant
un méthode 100% naturelle.
POLLINISATION PAR LES BOURDONS
Yvonne Castang est fascinée par les fleurs. Elle en fait pousser plus de mille espèces
et compose pour les marchés du Bugue, les mardi et samedi, des bouquets champêtres
aux coloris des plus raffinés. Observatrice de la nature avertie, elle a toujours
penser qu’il devait y avoir un moyen d’éviter les produits chimiques tout en favorisant
les cultures. C’est aussi l’intuition qu’eut un vétérinaire belge, le docteur Roland
de Jonghe. Dans les années 80 il eut l’idée géniale d’introduire des bourdons dans
les serres pour assurer la pollinisation des tomates. Car si celle-ci se passe naturellement
à l’air libre, sous serre, pour optimiser les productions, les maraîchers en étaient
venus à vibrer eux-mêmes à la main chaque fleur de tomate tous les trois jours pendant
quatre mois, la période de floraison. Un travail fastidieux doublé d’un coût de
main-d’œuvre énorme. L’arrivée des ruches de bourdons dans les serres fut un grand
soulagement. Ils assurent depuis, partout dans le monde et sur chaque fleur de tomate,
la rencontre du pollen mâle et du pistil femelle avec entrain et efficacité.
LA PROTECTION BIOLOGIQUE INTÉGRÉE
C’est ainsi que naquit le principe de l’utilisation des insectes dans les cultures,
pour féconder les plants mais aussi pour éliminer d’autres insectes intrus. Identifier
les ravageurs et introduire leurs prédateurs naturels, c’est le principe écologique
(l’écologie étant la science qui étudie les relations des êtres vivants avec leur
environnement) de ce qu’on appelle : la protection biologique intégrée,
l’intégration de ces minuscules jardiniers devant se faire en respectant les écosystèmes
présents. Elle permet d’éviter quantité d’insecticides nettement moins ciblés, ceux-ci
ayant révélé leurs effets nocifs sur la terre, l’eau, l’air et par conséquent sur
la santé. A Mauzens, Eric Castang a opté pour cette approche naturelle depuis 2003
et constate déjà que cela fonctionne admirablement bien. Plus besoin de traitements
pénibles, avec masque de protection et à répétition dans une vaine surenchère. Juste
un couvain de bourdons pour la fécondation et des larves de coccinelles pour dévorer
les pucerons, et le tour est joué.
SANTÉ ET PRODUCTIVITÉ RÉCONCILIÉE
Eric Castang n’emploie plus aucun insecticide à présent. Il continue de nourrir
ses sols avec du fumier de bovin vieux de deux ans. Il utilise encore un peu de
désherbant de manière préventive sur les allées où ronces et orties constituent
des refuges pour les insectes ravageurs. Avec l’aide d’un technicien de la société
Biobest, laboratoire belge de production d’insectes fondé par Roland de Jonghe en
1988, il définit au printemps un programme d’introduction d’espèces adaptées à ses
besoins et en retour comptabilise en fin de saison des gains de productivité conséquents
: plus 20% sur les tomates en 2005 par exemple. De plus il a pu en deux ans assainir
son exploitation où dorénavant fruits et légumes peuvent être mangés sur pieds,
sans nul besoin de les laver. Enfin Eric Castang apprécie cette nouvelle approche
car elle est fondée sur moins d’heures de traitement mais plus d’observation, de
proximité avec le vivant. Le plaisir est là qui ne gâche rien. La lutte biologique
intégrée est aujourd’hui une alternative pragmatique au tout chimique. Pour un coût
similaire, elle garantit de meilleurs résultats et pour la santé et pour la productivité
des cultures. Sans qu’on le sache une révolution culturale est en marche.
Sophie CATTOIRE
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