SÈVE QUI PEUT !
OU QUELS ARBRES CHOISIR FACE AUX LENDEMAINS QUI CHAUFFENT ?

Les arbres vivent très longtemps, mais toujours au même endroit. Impossible de fuir, donc. Face au réchauffement climatique annoncé, autant les planter dès à présent au bon endroit. L'impact de ce geste est double : les arbres seront beaux et les hommes sages. Grâce aux legs des forêts, nous pourrons inventer ou retrouver, à l'échelle de nos vies d'hommes, d'autres formes d'énergie qui ne nous obligeront pas à aller faire la guerre dans les pays pétrolifères ou à dévaster leurs voisins d'infortune dont le sol contient des traces d'uranium. Savoir utiliser ce que l'on produit autour de soi tombe sous le sens. L'Europe, à cet effet, implante en France un réseau expérimental nommé « CLIMAQ » constitué de plantations d'arbres choisis, par anticipation, pour faire face au réchauffement climatique. En Dordogne, nous avons suivi l'émergence d'une de ces plantations pleine d'avenir, à Savignac-de-Miremont, sur la colline qui surplombe la célèbre nécropole néandertalienne de La Ferrassie.

CLIMAQ EN AQUITAINE

En Aquitaine, le réseau CLIMAQ développera, au total, neuf zones de démonstration. Sur chaque type de massif boisé : Adour Pyrénées, Dordogne Garonne et le Massif landais, des parcelles représentatives des conditions les plus fréquentes de reboisement ont été identifiées. En fonction de la nature des sols où ils seront plantés et de leur capacité à faire face au réchauffement climatique, des essences de feuillus et de résineux ont été sélectionnées. Le même dispositif est répété trois fois par massif. En Dordogne Garonne, les sites retenus se trouvent sur les communes de Saint-Pardoux-la-Rivière, Saint-Georges-de-Monclar et Savignac-de-Miremont, donc.

DES VALEURS SÛRES ET DES NOUVEAUX VENUS DU SUD

Les essences plantées sont six résineux :
• Cèdre de l'Atlas (Cedrus atlantica)
• Cèdre du Liban (Cedrus libani)
• Pin sylvestre (Pinus sylvestris)
• Pin laricio de Calabre (Pinus nigra var calabrica)
• Pin maritime (Pinus pinaster)
• Sapin de Nordmann (Abies nordmanniana)

auxquels s'ajoutent six feuillus :
• Chêne sessile (Quercus petrae)
• Robinier faux acacia (Robinia pseudoacacia)
• Févier d'Amérique (Gleditsia triacanthos)
• Érable champêtre (Acer campestre)
• Aulne à feuille en cœur (Alnus cordata)
• Chêne rouge d'Amérique (Quercus rubra).

On note dans ce panel des immigrés « de souche », c'est-à-dire des essences venues d'ailleurs mais qui ont déjà fait leur preuve, tels les chênes rouge d'Amérique utilisés en Europe depuis les années 70. Mais aussi des « petits » nouveaux comme les cèdres du Liban ou de l'Atlas, venus du pourtour méditerranéen, qui résistent bien à la sécheresse et pourraient à terme être mieux adaptés que nos traditionnels hêtres, poussés progressivement vers le Nord de la Dordogne.

LES HOMMES DES BOIS DU C.R.P.F.

Pour conduire ces choix et leur mise en œuvre, ce sont les techniciens forestiers du Centre Régional de la Propriété Forestière d'Aquitaine qui ont été sollicités. Frédéric Ledun, venu du Pays de Caux, le pays de Maupassant où les hêtres centenaires plantés sur des talus taillés au carré autour des fermes protègent celles-ci des violents vents marins (les splendides « clos masure » de la Seine- Maritime) est chargé de piloter l'action sur le sud de la Dordogne. Il chapeaute donc la plantation de Savignac-de-Miremont. Sur un sol acide de bonne potentialité forestière où restent des pins maritimes, des chênes tauzin et des chênes pubescents, il s'agit de déssoucher les taillis de châtaigniers dépérissants pour faire place à douze placeaux de 25 ares chacun pour accueillir les douze essences élues. Le sol, une fois labouré, recevra ainsi 3000 plants durant l'hiver 2009/2010.
Ensuite pourront commencer les mesures : il s'agira de juger de la reprise, d'évaluer la croissance juvénile des arbrisseaux et de s'assurer au fil du temps d'un bon enracinement. C'est une étude au long cours. Les arbres continueront de témoigner, tandis que les techniciens et les propriétaires forestiers auront confié à la génération suivante le soin de poursuivre les observations. Si elles sont concluantes, ce sera à leur tour d'en tenir compte pour les générations suivantes. C'est ça, la gestion durable, concrètement.

Sophie Cattoire