UN SPORT DE BRUTES JOUÉ PAR DES GENTLEMEN
Le rugby est un sport étudiant né dans un collège britannique vers 1880. Un certain
Mr Webb aurait alors donné une forme ovale au ballon et jeté les bases des règles
très subtiles de ce "sport de brute joué par des gentlemen". Mais laissons un éminent
spécialiste local nous relater comment, au fin fond du Périgord Noir, il y 100 ans,
allait surgir une passion farouche et tumultueuse pour le sport-roi.
LE MIRACLE JOYEUX D’ÊTRE À LA FOIS DIFFÉRENT ET ENSEMBLE
Ainsi Guy Lagorce, écrivain, préface-t-il l’ouvrage de Pierre Lucien Bertrand, éditeur,
poète et fin connaisseur du rugby qu’il a lui-même pratiqué au Bugue pendant vingt
ans.
PIERRE LUCIEN BERTRAND : HISTORIEN DU RUGBY EN PÉRIGORD
Pierre Lucien Bertrand est aujourd’hui encore très investi dans la vie du club et
fait partie de ceux qui se sont mobilisés pour sa remontée au plan national réussie
ce printemps. Non content d’accompagner le B.A.C. au jour le jour dans ses nouvelles
aventures, PLB, comme tous ses amis l’appellent, mène aussi au long cours, un prodigieux
travail d’investigation pour retracer l’intégralité de l’histoire du Rugby en Dordogne.
Son ouvrage "Le Rugby en Périgord" (collection Fleur de Lys, PLBéditeur) nourri
de documents d’archives émaillés de croustillantes anecdotes, retrace l’historique
de tous les clubs de la Dordogne de 1902 à 1993. Un second volume est d’ores et
déjà en préparation.
DU RUGBY ET DES CHÂTAIGNES À LA PELLE
L’enquête de PLB révèle entre autre ce fait surprenant : le club de rugby du Bugue
est le plus ancien club de village du Périgord. Dans le sillage du grand aîné de
Périgueux : le CA périgourdin fondé en 1892, le Bugue Athlétique Club apparaît ainsi
sur les bords de la Vézère dès 1902.
Les matchs se déroulent tout d’abord au vélodrome de la Piste où les attendent immanquablement
de coriaces "supporters" :
WEST SIDE STORY SUR LES BORDS DE LA VÉZÈRE
Le Rugby fut au Bugue comme ailleurs un moyen idéal pour aplanir les différences
sociales . C’est sur le terrain qu’on pouvait, entre hommes et à la loyale, se mesurer.
Un peu à la manière de West Side Story les différents quartiers s’opposèrent avant
de se rallier :
FAITES DU RUGBY, PAS LA GUERRE !
Le club, initialement dénommé CAB, Club Athlétique Buguois, connut deux périodes
fastes : les années 20 et les années 60. Autant les guerres ont pu décimé les campagnes,
autant les hommes ont su se retrouver, après, avec un esprit de village, de copains.
D’après PLB, c’est cet esprit qui est le tremplin des plus beaux succès :
« Il suffit d’une génération très solidaire et le miracle s’opère. Le Bugue
peut alors se surpasser. » Il sait de quoi il parle car il a toute
son enfance baigné dans des histoires de rugby. Son père, Louis, fut un joueur émérite
avant de devenir arbitre. Mission qu’il remplissait chaque weekend avec son épouse
Madeleine, embarquée derrière lui sur sa moto, par tous les temps.
Il faut bien imaginer que le car n’existait guère au début de l’aventure. A la Belle
Epoque, les déplacements se faisaient en cariole, en mobylette ou en train, moustaches
au vent car les bacantes étaient alors très "tendance" comme le montre la première
photo d’équipe datée de 1906 . Elle appartient à la collection de Maître Jean Eymerit,
un grand nom du rugby local. Joueur dans les années 20, capitaine dans les années
30, président dans les années 50, il peut se targuer d’avoir été le notaire du village
et la clef de voûte du club de rugby pendant toutes ces années-là. Un héritage honoré
par son fils Jean-Jacques, joueur puis président dans les années 70.
LA BONNE CUVÉE DES ANNÉES 70
Plus tard, le phénomène allait se reproduire avec le groupe des minimes des années
75-80. Leur victoire en finale du championnat de France minime à Arras consolida
un esprit de groupe bien trempé. Ils s’engagèrent dès lors sur le chemin de la gloire
qui les conduisit comme un seul homme en troisième puis en deuxième division !
Ce fut d’abord l’année mythique : 1996 !
« C’est l’année où on a explosé – se souvient Sébastien Desmond ancien joueur
de troisième ligne – champions du Périgord-Agenais, 16ième au championnat de France
et montée en 3ième division fédérale ! Au stade Armandie à Agen pour la Finale du
Périgord-Agenais, nous avions au moins 10000 supporters. Il y avait des caravanes
de voitures qui nous suivaient à chaque match à l’extérieur. »
Cette équipe soudée à bloc connaîtra ensuite les honneurs de la fédérale 2, niveau
quasi incroyable pour une équipe de village ! C’est que les dirigeants ont su au
bon moment faire appel à des joueurs d’ailleurs, plus qualifiés. Antoine Vasquez,
originaire d’Agen, l’un des meilleurs joueurs au niveau national fit beaucoup pour
cette montée. Agé aujourd’hui de 43 ans, il est toujours l’un des piliers du B.A.C.
et donne encore largement le change aux plus jeunes.
Après les sommets de la Fédérale 2, l’équipe connaîtra un bref maintien puis redescendra
en division Honneur (2004/2005).
Le retour du soleil et du succès au printemps dernier a redynamisé le B.A.C. qui
en l’autorisant à envisager dorénavant de nouvelles prouesses de l’ovalie en terre
buguoise.
Sophie CATTOIRE
Nous remercions pour leurs témoignages et les archives qu’ils nous ont permis ici
de vous présenter :
Pierre Lucien Bertrand, Jean Batailler, Philippe Eymerit, Bernard Bruneteau,
Sébastien Desmond et Pierre Jacoutet.
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