LE CHOC PRIMITIF
Bousculé par l’Histoire et l’Exode, Alain Roussot, né à Paris en 1937, a débarqué
à Périgueux en 1940, à l’âge de trois ans. Il se souvient encore de son coup de
foudre pour la sculpture de l’Homme primitif - l’Homme de Néandertal sculpté par
Paul Dardé - qui trône sur la terrasse du musée des Eyzies-de-Tayac et l’envie qu’il
eût d’étreindre ce géant à plein bras, avant de revenir plus tard le croquer. Voyez
le joli croquis qu’il en fit à l’âge de treize ans.
Un peu plus tard, alors qu’il était déjà devenu un grand chasseur de silex taillés
sur les chantiers de fouilles les plus réputés - Laugerie Basse, La Ferrassie, Le
Moustier - il fit la connaissance de François Bordes, l’illustre professeur, fondateur
de l’institut du Quaternaire, aujourd’hui Institut de Préhistoire et de Géologie
du Quaternaire dont il ira suivre les cours plus tard à Bordeaux.
LA RENCONTRE AVEC L’ABBÉ BREUIL
Curieux, méthodique, rigoureux, il eût aussi l’intelligence de saisir la chance
lorsqu’elle se présenta sous les traits de Miss Mary Elisabeth Boyle, la précieuse
assistante de l’abbé Breuil, qui le fit entrer dans le cercle des proches de l’abbé,
alors qu’il était encore tout jeune homme. Il raconte cet épisode avec modestie
et humour dans l’interview qu’il nous a accordée chez lui, entre la troglodytique
Roque Saint Christophe et l’abri du Moustier :
« Il m’a adopté, j’avais 15 ans, il ma donné mes premiers cours de dessin d’objets
préhistoriques. Plus tard, il m’a mis dans « les pattes » de l’abbé Glory
afin que je l’aide à faire les relevés de Lascaux ! »
L’AMITIÉ AVEC LE CHANOINE BOUYSSONIE
« J’ai ensuite bien connu l’abbé Jean Bouyssonie avec lequel j’ai entretenu
au fil des années une relation très amicale et un abondant courrier. Il m’a envoyé
165 lettres que j’ai précieusement conservées. »
Les abbés Jean et Amédée Bouyssonie et leur jeune frère Paul, avaient été en 1908
les inventeurs de l’homme de la Chapelle-aux-Saints : la première sépulture néandertalienne
identifiée comme telle, qui eut tellement d’importance dans l’émergence d’un nouveau
regard porté sur la lignée Neandertal. Si bien que, sur ce sujet aussi, Alain Roussot
est on ne peut mieux documenté.
L’ÉCHO DES CAVERNES
Entré dans le sérail, et conscient d’être au cœur d’un instant capital dans l’histoire
de la science de la Préhistoire, Alain Roussot a su être le veilleur, le collecteur du
fruit du travail des plus fins connaisseurs, entrant dans leur nombre. Pour autant,
il n’est pas du tout comme dans le proverbe russe : « Le chien sur le foin ».
Comprenez : il n’en mange pas, mais il grogne dès qu’on s’en approche.
Tout au contraire,
Alain Roussot aime partager, faire connaître, apprendre et montrer sans jamais se
mettre en avant. C’est lui, par exemple, qui a vérifié le bon français et la justesse
des données de la récente enquête du préhistorien américain Randal White : « l’Affaire
de l’abri du poisson » publié chez Fanlac. Mais c’est par Randal White qui nous l‘avons
su.
IL LIT LE BREUIL
C’est lui aussi qui nous a « traduit » la note de l’abbé Breuil décrivant la découverte
en 1909 de l’Homme de La Ferrassie. Prodigieux document que nous avait transmis
le professeur Jean-Louis Heim du musée de l’Homme à Paris, mais que nous n’avions
pas réussi à lire intégralement.
Et puis, puisque nous étions venus pour cela à l'origine, Alain Roussot nous a parlé
de Bernifal et de son signe particulier : le rarissime tectiforme, signe en forme
de toit, terme inventé par l’abbé Breuil, en 1902, à Bernifal.
Ce signe à propos duquel on a émis toutes sortes d’hypothèses : hutte, piège à mammouth,
cabane pour les ancêtres, etc. n’a été identifié à ce jour que dans quatre grottes au monde :
Rouffignac, Font de Gaume, les Combarelles et Bernifal, et fonde à ce titre l’identité
culturelle de ces quatre perles paléolithiques voisines des vallées des Beunes et
de la Vézère. Le centre du monde, bien sûr, au centre duquel le centre de documentation
que constitue Alain Roussot à lui tout seul n’est pas l’une des moindres merveilles.
Sophie Cattoire
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